Le laboratoire d’essais de casques Mips près de Stockholm, en Suède, est en développement continu depuis plus de 20 ans. Ce complexe moderne de 300 mètres carrés comprend quatre machines d’essai et des outils de pointe conçus pour reproduire les scénarios d’impact réels. Cela nous donne un contrôle total sur ce que nous mesurons.
Mips mesure les accélérations à 6 DDL (six degrés de liberté) dans le temps. DDL fait référence à la liberté de mouvement d’un corps rigide dans l’espace tridimensionnel. En termes simples, DDL mesure la manière dont les objets sont capables de se déplacer dans l’espace.
Pour chaque casque, nous orientons nos essais sur trois zones différentes : devant, sur le côté et en oblique. Étant donné que les études montrent que la vaste majorité des chocs sur la tête lors d’accidents de vélo, de moto, de cheval et d’autres sports sont obliques, nous effectuons tous les essais à un angle de 45 degrés. Mais surtout, le point le plus important est d’avoir le contrôle sur la position initiale de la tête et du casque durant la chute verticale vers l’enclume.
Il a fallu 20 ans pour développer l’environnement d’essai complet de Mips, qui est en constante amélioration. Notre premier appareil d’essai a été conçu en 1997 et a évolué depuis lors jusqu’à l’appareil que nous utilisons aujourd’hui. Nous avons développé nos méthodes d’essai de manière à reproduire les situations d’accident réelles. Par exemple, l’analyse des statistiques d’accidents impliquant des vélos montre que les chocs surviennent le plus fréquemment à 6,0-6,5 mètres par seconde à un angle de 45 degrés. Nous testons donc les casques à une vitesse de 6,2 mètres par seconde avec un angle similaire.
En guise de substitut de tête humaine, nous utilisons un système expérimental appelé « Hybrid III ». À l’intérieur de la forme de la tête, un ensemble d’accéléromètres mesurent les accélérations 6DDL dans le temps. Tous les casques subissent des chocs en trois points différents afin de contrôler la fonction du système de sécurité Mips autour des trois axes anatomiques (X, Y et Z). Nous testons le même modèle de casque, avec et sans système de sécurité Mips, dans toutes les tailles disponibles.
Ensuite, les données d’impact sont analysées. Ces tests complets garantissent que la version du système de sécurité Mips de chaque modèle de casque puisse être validée selon la norme Mips.
Nous avons procédé à un notre premier essai en 1996 à l’aide d’un pendule qui venait heurter la représentation sphérique d’un casque (figure A). Il s’agissait d’une conception très rudimentaire, mais elle a montré que le système de sécurité Mips pouvait atténuer les forces ou le couple transmis à la tête.
A : Banc d’essai au pendule mesurant le couple.
B/C : Plaque mobile, où la plaque est accélérée par un vérin pneumatique.
D : Tête munie d’un casque lâchée sur une surface à 45 degrés. Dans les tests B à D, la forme de tête est munie d’un système à neuf accéléromètres [1,2].
Plusieurs publications détaillent comment mesurer l’absorption d’énergie dans un choc oblique avec une force importante agissant sur le casque. Certaines études ont utilisé une roue en béton en rotation sur laquelle les casques sont lâchés. D’autres ont présenté des méthodes où la tête était lâchée sur une plaque d’acier coulissante afin de créer un impact oblique. Une étude de 2008 a présenté une méthode qui incluait un cou HIII et l’option de mesure de la force sur la plaque.
Une autre façon de tester les casques pour les chocs obliques est de les lâcher sur une surface oblique.
La principale différence entre l’impact sur la plaque mobile et la chute du casque sur une surface oblique est la différence du vecteur de gravitation par rapport au vecteur de force normal contre le casque, ce qui pourrait conduire à des résultats différents pour les deux méthodes, même lors de tests de casques identiques avec une vitesse et un angle d’impact identiques. La plaque mobile pourrait donc être plus réaliste dans la simulation d’une chute de vélo ou de cheval. La méthode de la plaque mobile a pourtant des inconvénients par rapport à la technique de surface oblique, puisqu’elle est plus complexe. De même, il peut être difficile de maintenir une vitesse constante de la plaque durant l’impact.
Une troisième méthode d’essai potentielle est l’impacteur linéaire pneumatique, initialement développé par Biokinetics au Canada. L’impacteur linéaire est équipé d’une surface en plastique incurvée fixée sur un disque en mousse de vinyle et nitrile, visant à reproduire un choc entre deux casques (conçu pour les casques de football américain ou de hockey sur glace).
Pour ce test, la forme de la tête est fixée sur un cou HIII et un chariot se déplaçant horizontalement. La méthode d’essai spécifie les différents points d’impact sur le casque, tous résultant en des impacts par rapport au centre de gravité dans la tête de mannequin.
Mips utilise la méthode de la chute verticale par rapport à une surface de choc oblique, en raison de sa simplicité et de sa robustesse.
Dans les méthodes d’essai actuelles, soit la tête tombe sans contraintes sur la surface d’impact (normes d’essai européennes), soit elle est maintenue sur un monorail via un bras rigide fixé sur la tête (normes d’essai américaines). L’on peut dire de ces deux méthodes qu’elles représentent les extrêmes de l’échelle. La situation normale se trouve quelque part entre les deux, où le cou exerce une contrainte sur la tête.
Une option, au lieu de concevoir un test sans cou, serait de fixer un cou expérimental (comme le cou HIII) au chariot vertical d’un banc d’essai de casque monorail. Mais pour concevoir une méthode d’essai oblique, reste à savoir si le cou affectera les accélérations translationnelles et angulaires mesurées dans la tête de mannequin. Il est clair que le cou retient la tête et qu’à un moment donné, une rotation se produira autour d’un point dans le cou ou même plus bas dans la région thoracique.
Des études antérieures ont montré que l’amplitude de l’accélération angulaire était affectée par le cou. Des corps entiers de mannequins Hybrid III munis d’un casque ont été lâchés sur une surface oblique et comparés à des formes de tête porteuses d’un casque et chutant librement. Les résultats ont montré que l’amplitude de l’accélération linéaire divergeait d’environ 20 %.
Une étude numérique de 2001 sur les chocs entre casques simulant des accidents de football américain a conclu que le cou changeait effectivement les caractéristiques de l’accélération angulaire lors de la comparaison des impacts avec et sans cou. Cependant, les impacts de l’étude étaient proches d’un impact radial sur le casque, le cou étant la seule cause de rotation de la tête. Autrement dit, l’impact comportait peu ou pas de composante tangentielle.
Une étude de 2012 a montré que les aspects d’accélération angulaire pouvaient diverger de 40 % lorsqu’on comparait l’impact sur un casque avec le corps entier et uniquement la tête. Les chercheurs ont utilisé un THUMS (Total Human Model for Safety) et simulé un impact oblique sur la partie latérale (temporale) du casque. Ils ont proposé de modifier les propriétés inertielles de la tête à titre de compensation pour le cou et la tête en cas d’utilisation de la tête seule dans un test d’impact oblique.
Une autre étude de 2009 a reconstitué 12 accidents de jockeys à l’aide de modèles humains MADYMO. Deux ont été étudiés en détail dans des simulations avec et sans le corps dans un impact entre un casque et l’herbe du champ de course. L’accélération angulaire a été augmentée, comparant la simulation avec un corps complet et avec uniquement la tête. Les chercheurs ont mentionné que l’absence de cou et de corps pouvait provoquer l’altération de la direction de l’accélération. Cette étude a indiqué que le modèle de corps humain MADYMO fournissait une représentation non réaliste de la flexibilité vertébrale qui aurait pu conduire à cette divergence importante.
La conclusion qui peut être tirée ici est qu’en général, le cou affecte le mouvement de la tête. L’on pourrait aussi argumenter qu’une méthode d’essai pourrait être définie avec des angles d’impact pour lesquels l’effet du cou est faible durant le temps court (5 à 10 millisecondes) du contact entre casque et surface d’impact.
Les essais expérimentaux sur des cadavres humains montrent que la partie supérieure du cou humain est flexible et pourrait être considérée comme découplée de la tête pour une certaine partie du déplacement ou de la rotation. Le mouvement d’une articulation humaine ne résultant pas en une force ou un moment est défini comme la zone neutre. La zone neutre dans laquelle la partie supérieure du cou permet à la tête de tourner sans charge importante est de l’ordre de 10 degrés, en fonction de l’axe de rotation.
Ainsi, lorsque nous ne prenons pas en compte l’activité musculaire, la tête peut tourner autour de 10 degrés sans avoir d’effet sur la cinématique en charge horizontale de la tête. Dans un impact type entre casque et asphalte, la tête en chute libre pivote d’environ 10 degrés durant les 10 premières millisecondes de l’impact. Sur cette base, l’on pourrait argumenter qu’il n’y aurait pas suffisamment de temps pour que le cou affecte significativement la tête dans cette direction d’impact spécifique.
D’autres aspects des problématiques avec ou sans cou à prendre en considération lors de la conception d’une nouvelle méthode d’essai sont notamment :
La conclusion est que le cou humain comme condition aux limites de la tête humaine affectera la cinématique de la tête. Cependant, pour les accidents de vélo où, le plus souvent, l’impact avec le sol résulte en des impacts courts (5 à 10 millisecondes), le cou n’affectera pas la cinématique de la tête d’une ampleur telle que le cou serait fondamental. En prenant tous les aspects connus en compte, il est proposé de concevoir la nouvelle méthode d’essai sans le cou.